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L'Écho des cabanes
6 février 2015

"L'évaluation que nous avons pris

"L'évaluation que nous avons pris connaissance..." (sic)

Ainsi s'exprime le Ministre de l'Éducation, M. Bolduc, suite à la publication des résultats d'une étude commandée par son ministère, visant à évaluer l’effet de 2007 à 2013 de la réforme de l’Éducation implantée depuis une quinzaine d'années au secondaire . Conclusion des chercheurs Simon Larose et Stéphane Duchesne: « Dans un contexte où le renouveau pédagogique visait d’abord et avant tout à démocratiser la réussite scolaire et à diminuer le décrochage, force est de constater qu’il n’a pas produit les effets attendus ». Petite précision utile: les travaux des chercheurs ont été menés en comparant une cohorte de jeunes n’ayant pas été exposés au renouveau pédagogique avec deux autres cohortes d’élèves issus de la réforme.

Cette réforme a été lancée en 1990 par la misnitre de l'époque, Pauline Marois, à partir d'un constat: la transmission de la culture générale semblait en panne, et l'ambition affichée a dès lors été de restructurer les curriculums pour en rehausser le niveau culturel, et de remédier aux déficiences aisément repérables dans la maîtrise du français et la connaissance de l’histoire. Sauf que quelques années plus tard, la nécessité de la réforme s'est traduite :

- en programmes  repensés en termes de « compétences »

- en recourant à une pédagogie «par projet»,

- en supprimant le redoublement,

- en réinterprétant la façon d'évaluer les élèves,

- en ajoutant 150 heures de cours en français, au cours des trois premières années du secondaire: "Or (...) malgré les heures supplémentaires d’enseignement, les élèves de la réforme réussissent moins bien que ceux d’avant la réforme. Même chose en mathématiques".

L'ensemble de la presse canadienne se fait l'écho de ce désastre annoncé, du Devoir au Journal de Montréal en passant par The Montreal Gazette, et s'accorde sur le fait que les élèves ayant subi ces méthodes auront servi de cobayes. À présent, la réflexion devrait s'orienter vers les propositions suivantes: " repenser la formation des maîtres pour y revaloriser les baccalauréats disciplinaires (en français, en histoire, en maths, etc.) et diminuer l’emprise de la pédagogie". 

Nous y voilà !!

Je ne suis pas adepte des forums et des listes de commentaires, mais force est de constater l'unanimité de ceux que déposent les lecteurs: que réclament-ils? des dictées ! des leçons à apprendre! que l'on demande des efforts à leurs enfants ! des devoirs à la maison ! des notes ! assez de ces "travaux d'équipe" qui ne permettent pas de juger des progrès des élèves!

Ce qui est comique, c'est que j'ai fini ma session d'automne avec un devoir rédigé dans le cadre du cours "Processus d'apprentissage en enseignement supérieur" dont les consignes étaient:

  • Analysez vos conceptions de départ. Évitez de seulement présenter vos définitions de ce qu’est apprendre et enseigner. Présentez plutôt ce que ces définitions, ces conceptions personnelles, démontrent sur votre rapport à l’apprentissage et à l’enseignement.
  • Analysez vos conceptions actuelles et ce par quoi vous avez passé pour en arriver à ce point. Évitez de résumer les notions du cours. Présentez plutôt les événements qui ont eu un impact sur vos conceptions de départ. Précisez l’impact qu’ils ont eu sur vous (au plan affectif, au plan cognitif) et comment vous avez réagi (ce que vous avez fait) face à ces situations. Décrivez en quoi consiste ce changement de votre rapport à l’apprentissage et à l’enseignement.

(Précisons que dans le préambule du cours, il nous était demandé de nous affranchir de nos théories personnelles, qualifiées de «partielles, partiales, désorganisées, non généralisables, intransmissibles, [porteuses d’une] validation affective et non rationnelle» et de nous libérer  de nos «mécanismes de défense identitaire»). Propagande, donc, pure propagande, mais cela ne faisait rien, j'ai joué le jeu.

Voilà ce que je disais dans mon devoir - avant la parution de cette étude qui secoue les médias cette semaine:

Comment croire que l’approche constructiviste, apparemment si attrayante mais qui n’a pas fait la preuve de son efficacité en France pourrait être une panacée au Québec ? Si les enseignants en constatent l’échec, et s’ils observent que les mesures expérimentales successives (disparition des notes chiffrées, interdiction du redoublement, usage intensif des TIC, travail en équipes) conforte cet échec, pourquoi ne pas faire confiance à leur jugement et à leur sagacité ? Lorsque tel étudiant du cours PPA 6075 a interrogé le professeur à propos de la «baisse du niveau», je suis restée confondue par les dénégations de la réponse. Oui, le niveau a baissé, ici comme ailleurs, et l’on voit arriver au Cegep des jeunes qui, en français, possèdent un bagage moins que restreint. Une enseignante de Cegep m’a d’ailleurs prévenue que je devais m’attendre à de réelles surprises : elle-même avait dû accepter que l’une de ses élèves cite en référence le film d’animation Barbie au bal des douze princesses à l’appui de sa dissertation, puisqu’elle n’avait rien d’autre à proposer… J’ai donc de la difficulté à faire confiance à des méthodes qui, jointes à des orientations politiques désastreuses, génèrent les catastrophes décrites en 2006 dans le livre de Germain, L., Papineau, L. et Séguin, B., Le grand mensonge de l’éducation, dans lequel Luc Papineau cite notamment le cas suivant : «Dans quatre phrases variées totalisant 80 mots, 108 élèves ont trouvé le moyen de faire une faute presque tous les 10 mots. Or, ces élèves de cinquième secondaire de mon école, s’étaient pourtant classés au premier rang de ma commission scolaire pour ce qui est des résultats à l’examen ministériel d’écriture de 2004-2005, car plus de 89 % d’entre eux ont réussi cet examen de fin d’études secondaires.» Benoit Séguin, autre coauteur du livre démontre, preuve à l’appui, qu’une élève forte de sixième année pourrait réussir l’épreuve finale du collégial en français (dissertation littéraire). 

Je me suis fait plaisir, dans ce devoir: j'ai cité Loys Bonod (La Vie moderne), Jean-Paul Brighelli (Tableau Noir), Daniel Picouly (Leçons d'observation, Hoebeke, 2014) et même Hannah Arendt. 

Quoi qu'il en soit, la session terminée, il a été expliqué à ceux qui ne naviguaient pas déjà dans les eaux de l'enseignement que pour espérer obtenir un poste permanent dans un Cegep il faudrait commencer par accumuler des emplois de remplacement pendant un paquet d'années, vu que le secteur est saturé, srtout pour les matières dites fondamentales (français, philo, maths). Autant dire: accepter des emplois de vacataire pendant une petite dizaine d'années. Ce n'est pas que cette perspective m'ait dissuadée, mais après réflexion je préfère ne pas m'inscrire à la deuxième session lors de laquelle j'aurais dû assister à un cours de gestion de classe et effectuer un stage de 175 heures dans un établissement. Que j'aie l'attestation ou pas ne changera rien, j'ai fait l'essentiel de la formation.

Je suis allée au premier cours de gestion de classe, histoire de me faire une idée. Pour que vous vous fassiez la vôtre, en voici le contenu (= projection de diapos Powerpoint, méthode exclusive d'enseignement préconisée désormais):

''Vous avez peut-être déjà entendu des professeurs qui enseignent depuis plusieurs années dire que les étudiants ne sont plus comme avant. Cette affirmation est en partie fondée. Plusieurs caractéristiques des étudiants actuelles (sic) ne sont plus les mêmes que celles de générations qui les ont précédées.. Ces écarts sont liés principalement à des aspects d'ordre psychologiques (sic), sociologiques (re-sic) et technologiques (re-re-sic). Cette évolution n'est pas sans conséquence pour les professeurs qui devront s'adapter pour mieux répondre aux besoins des générations actuelles. ('tendez, c'est pas fini, le meilleur arrive) La plupart de vos étudiants font partie de la génération Y (nés entre 1978 et 1995) et certains de la génération Z (nés après 1995) et des enfants-roi (enfant unique à qui on ne refuse rien)*. Cette génération a été habituée, très jeune, à obtenir ce qu'elle voulait. Cette génération est plus indépendante d'esprit, mais à la fois plus tolérante, plus engagée socialement et moins radicale que les précédentes. Elle a une attitude différente face à la hiérarchie, ayant été habituée à être traitée d'égal à égal.''

Je vous passe les âneries suivantes : ''Ils ont une confiance en soi (sic) très élevée et n'ont pas peur de se comparer aux autres'', ''Ils font preuve d'une attitude positive envers les études et ils veulent apprendre'', ''Ils aiment travailler en équipe et sont très loyaux envers les membres qui la composent'', ''Ils s'attendent que (sic) leurs professeurs soient sensibles à leurs conditions de vie et souhaitent qu'ils tiennent compte de leurs besoins personnels''.

Pour rappel, et pour expliquer les (sic): il s'agit d'un cours de niveau UNIVERSITAIRE !

Donc, et pour finir là-dessus: j'arrête ce microprogramme qui ne m'apprendra pas grand'chose de plus que ce que j'ai acquis en automne (comment planifier un cours sur une session, comment évaluer etc.) et ce que je savais déjà. Je reste inscrite sur le portal Cegep=Emploi, je reçois les annonces, mais pour le moment, ikl n'y a rien en français.

 

* ce qui permet de déduire que nous avons affaire aux repésentants de TROIS générations, dont celle des enfants-rois (dates ?). Mais alors par la suite qu'entend-on par ''cette génération'' ?

 *          *

*

Là-dessus, passons à autre chose:

Winter in Brøndbyvester (Peder Mork Mønsted)

 

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