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L'Écho des cabanes
20 janvier 2015

De retour. À vrai dire, j'aurais voulu revenir le

De retour.

À vrai dire, j'aurais voulu revenir le 10 décembre dernier, le jour des funérailles nationales célébrées en l'honneur d'un ...joueur de hockey ! Un-joueur-de-hockey ! Il fallait entendre les réactions des citoyens en larmes, qui ont défilé par centaines (dont le Premier ministre, excusez du peu) devant le cercueil de Jean Béliveau: un "héros" qui "incarnait la confiance et l'élégance", "un homme exceptionnel" etc. Une semaine entière, ça a duré. Une semaine à entendre les bulletins d'info commencer par les louanges d'un type qui aura passé sa vie à taquiner la rondelle* avec son bâton*, et qui pour ses hauts faits s'est vu ériger une statue en bronze:

Jean Béliveau_statue

Mais depuis le 7 janvier, pas moyen de revenir ici, parce que j'aurais fait comme comme vous, comme tout le monde et comme chez nous: je n'aurais pu parler que des facteurs qui sont à l'origine des intégrismes, du sang versé, de la barbarie, de l'ignorance et de la Marseillaise au Palais-Bourbon. Pas envie. Mais je voudrais quand même parler de l'immense solitude d'une qui a vécu ces événements de loin, et qui ne pouvait partager son émotion avec personne d'ici parce que le Québécois lambda, je vous le dis, se préoccupait bien plus de la baisse du prix du baril ("bari") de pétrole que de ce qui s'est passé pendant  la semaine tragique. Je ne m'en relève pas.

* palet

*crosse

*          *

*

Se trouver loin de la France, c'était difficile, alors au bureau j'étais vissée à France-Info, collée au fil du Monde, sous perfusion. Aucune de mes collègues - tout-à-fait charmantes au demeurant - n'a compris ce qui se passait, ni n'a seulement eu l'idée de se renseigner dans une presse autre que celle distribuée gratis dans le métro ni d'écouter une radio non commerciale. Quand je parle de solitude, imaginez-vous qu'en me rendant au premier rassemblement sur le parvis de la Mairie j'étais la seule dans le métro à porter le "Je suis Charlie" épinglé sur mon sac à dos. Un passant m'a gentiment demandé si je le savais, au cas où quelqu'un m'aurait fait une blague genre Poisson d'avril.

Et puis une fois arrivée, puis quand je me suis trouvée avec Zig, Iris et Joséphine parmi les centaines de personnes qui affluaient devant le Consulat par moins 30, le malaise s'est aussitôt dissipé. Pour renaître le lendemain matin au bureau: pas un mot, pas un commentaire, pas une question, pas une conversation sur le sujet qui secouait l'actualité. Rien ! (j'exagère: ma collègue Thérèse est venue me demander si j'avais participé au rassemblement, et ça a été tout. La même Thérèse dont les imitations de "Nouârs" et de "Musulmans" suscitent l'hilarité de mes compagnes de bureau...) Avec une prof que mon affichette accrochée sur ma lampe étonnait, nous avons brièvement causé de l'intervention de Cyrulnik sur les ondes de RadioCanada, mais quand j'ai évoqué le problème de la laïcité elle s'est détournée avec gêne: on ne parle pas de cela ici, c'est un réel thème de discorde. Quant aux étudiants... Iris me disait que dans sa fac (Communication) les gens en parlaient, mais mes étudiants en maîtrise et doctorat de Psycho n'étaient vraiment pas perturbés par ce qui se passait.

Le 12 janvier, au lendemain de la Marche qui a rassemblé 25000 personnes à Montréal, le journal UdeMCampus a publié cet article rapportant les propos de Pierre Trudel, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal et chercheur au Centre de recherche en droit public (La menace terroriste doit-elle restreindre la liberté d'expression?) et il a fallu attendre le 13 janvier pour que le recteur de l'UdeM, à l'occasion de ses voeux à la communauté universitaire, fasse allusion aux tueries dans un message d'une rare platitude...

Le 11 janvier, nous avons ressenti avec gravité  l'onde qui se propageait depuis notre République, et nous avons contribué à sa diffusion, mais de retour à la maison nous étions dans un état proche de la transe, incapables de penser ni de faire quoi que ce soit. Tout était en suspens, le soir de ce dimanche-là. Nous avions accompli un rituel de deuil, paraît-il.

Je ne suis pas de ceux qui sont capable de penser "à chaud", alors ce que je retire de tout cela c'est ma stupéfaction causée par la promptitude avec laquelle commentaires et réflexions de grande qualité ont été émis sur tous les supports possibles. Je ne parle pas de Facebook, puisque je ne circule pas dessus, mais d'articles argumentés et d'entretiens qui, par-delà l'émotion et des réactions épidermiques, soutenaient un processus de réflexion nécessaire. Oui, c'est ce réflexe qui me console. La nation, avant, c'était un concept dont je me détournais méfiance en fronçant les sourcils. Mais vivre sur une terre qui n'est pas un pays mais une enclave, qui n'est pas une nation mais un agglomérat, cela remet les idées en place - notamment celle des valeurs républicaines.

J'aime bien le Québec et je commence à avoir des amis, mais pouvoir discuter de toutes choses ne va pas de soi ici. C'est un fait auquel il faut s'adapter - et je veux bien croire Iris et Léonard quand ils me disent que je me trompe: leur génération est sans doute plus ouverte sur le monde que celle de leurs parents, mais s'informe-t-elle mieux? est-elle moins ignorante ? est-elle moins vulnérable aux absconses théories complotistes qui font florès partout ? est-elle plus exigeante intellectuellement ? est-elle moins encline à suivre celui qui parle le plus fort ? J'émets quelques réserves...

*          *

*

Ce matin, et c'est qui m'a donné envie de le partager, Zig m'a envoyé cette critique d'Olivier Schmouker fichtrement intéressante du livre de Houellebecq, qui mériterait de bénéficier du retentissement suffisant pour couper court aux arguties de critiques qui multipliaient invectives et anathèmes sur tous les plateaux de télé - alors que le livre était quasi encore sous presse et que nul ne l'avait lu! 

*          *

*

Résumé de la fin 2014:

  • j'ai fini ma session du programme "Formation à l'enseignement supérieur" (avec des notes plutôt honorables, ce dont je ne suis pas peu fière car je travaillais à plein temps et j'ai dormi en moyenne 5 heures par nuit pendant 3 mois) mais je ne continuerai pas en hiver pour plein de raisons que j'expliquerai dans un prochain bulletin, 
  • Iris s'éclate à l'Université, elle a un amoureux qui est le sosie d'Orlando Bloom, elle nous mène une guerre d'usure pour partir en colocation l'hiver prochain avec une amie,
  • Joséphine passera en mars un examen à l'issue duquel nous espérons qu'elle sera admise à Marie-de France: d'ici là, programme intensif de français et de maths,
  • Léonard a arrêté ses études pour se donner le temps de la réflexion (!) et pour gagner sa vie d'ici l'automne: il devrait alors réintégrer le cricuit estudiantin, mais nous ne savons pas encore dans quel domaine (lui non plus, apparemment). Pour le moment, il travaille dans un restaurant. Marilena, quant à elle, vient de commencer la fac de Communication à l'UQÀM.

Projets pour 2015:

  • me trouver un poste de prof au collégial autre que remplaçante, sinon je devrai garder mon job à l'Université où je m'ennuie,
  • en février, Iris et Jojo partironnt en Floride avec leur arrière-grand-mère, leur grand-mère, leur tante Églantine et leur cousine Juliette,
  • pendant ce temps, Zig et moi projetons de passer un grand week end dans le Vermont ou à Boston.

 

*          *

 

*

 

Pour finir, renouons avec l'image du jour:

KONOSHIMA Okoku(1877-1938)

 

 

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Commentaires
E
Ces dernières semaines, j'ai énormément pensé à vous car Charlie Hebdo faisait partie de nos fous rires, de nos indignations et combats. C'est à ce moment que j'ai ressenti douloureusement votre absence. J'avais besoin de vous prendre dans mes bras pour pleurer. J'étais, dimanche, avec Timothée à la marche et vous étiez avec moi. Je vous embrasse fort. Erwan
B
Youpi !<br /> <br /> <br /> <br /> Bien content de te retrouver sur le net !<br /> <br /> <br /> <br /> Quant à Charlie, Houellebecq, tout ça, je trouve que c'est très compliqué.<br /> <br /> Les côtés DDASS et prison sont aussi des éléments importants. Comme disait une chanson d'un groupe que j'aimais bien : c'est dans tes prisons qu'on fabrique le crime, les Buisson, Villoquet et bien d'autres Mesrine.<br /> <br /> <br /> <br /> Quant à la lecture critique de Houellebecq, j'aime bien le rapprochement avec Ionesco. Mais deux choses : pourquoi récrire du Ionesco alors que c'était déjà bien écrit ? Et ... le petit chef bourreau est aussi responsable ! Et c'est aussi un salaud. <br /> <br /> Les victimes n'ont que peu d'armes pour se défendre. Et surtout se pose la question de la durée de la résistance. Non que je ne salue et encourage moi aussi le courage et la défense de la liberté, mais je ne peux m'empêcher de sangloter en pensant à certaines de ces victimes, tout à particulièrement à Flo.<br /> <br /> <br /> <br /> Pour revenir à Charlie, ici c'est au contraire l'overdose. 7 millions de personnes ont acheté Charlie, certains ne savaient même pas que ça existait avant. On frôle l'hypocrisie la plus totale. Et surtout une menace apparaît : celle de la récupération. Référent laïcité dans les lycées, formation continue au fait religieux pour les profs, unités de sécurité mobile pour répondre de façon immédiate à toute dérive dans les classes ... l'idéologie dominante est sécuritaire et commence par l'école.<br /> <br /> Pas sûr que ça me rendre heureux.<br /> <br /> <br /> <br /> La France n'a pas tant changé ... malheureusement.<br /> <br /> <br /> <br /> Bises affectueuses à toutes et à tous, et même à Orlando Bloom (trop fort ! surtout pour nous qui rentrons de Nouvelle Zélande !).
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