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L'Écho des cabanes
23 novembre 2013

Evening Prague, v. 1902-1905 - Jakub SCHIKANEDER

Evening Prague, 1902-1905, Jakub Schikaneder

Evening Prague, v. 1902-1905 - Jakub SCHIKANEDER (1854-1922)

 

Après ce tableau qui a toutes raisons de figurer en bonne place dans ma galerie Nocturnes, voici le dernier témoignage de l'amour que porte à notre Joséphine un dénommé Angel-Sebastian: une bague de fiançailles qu'il a lui-même confectionnée avant de la lui offrir en grande cérémonie.

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Notre gendre potentiel a déclaré ne jamais vouloir se séparer de sa Dulcinée (qui veut être vétérinaire sans frontières): il sera donc policier chargé de la défense des femmes, partout où elle ira. D'ici là, il lui a fait part de son voeu de rencontrer ses parents (nous, donc) pour leur exposer ses projets. Nous ne manquerons pas de vous faire part, en temps voulu, de la visite que nous aura faite ce garçon de 7 ans, qui aura sans doute pensé à porter les gants beurre frais requis pour l'occasion...

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Et maintenant, je voudrais évoquer quelque chose qui me turlupine et qui va m'obliger à parler de moi: Iris ayant décidé de faire carrière dans le journalisme, je me suis souvenue que c'était l'une des orientations que je m'étais moi-même choisie à son âge (il y avait aussi bibliothécaire, prof et écrivain, ce qui montre que j'ai de la suite dans les idées, soit dit en passant). Ma carrière fut courte: pour gagner quelques francs (je vous parle d'un temps que les moins de dix ans ne peuvent pas connaître) lorsque j'étudiais à l'École du Louvre, j'avais obtenu un emploi dans une maison de retraite à Sens. Située tout près de la gare, dirigée par un barbu débonnaire, cette maison accueillait des femmes - très peu d'hommes en vérité. J'y ai appris beaucoup. J'ai vu, dimanche après dimanche, les vieilles dames coiffées et habillées de bonne heure, postées à leur fenêtre, le cou tendu, scrutant la rue, dans l'attente de la visite. Vains préparatifs et inutile attente, la plupart du temps, sauf quelquefois à l'occasion de l'anniversaire d'une pensionnaire: des gens de sa famille passaient une demi-heure dans la chambre et filaient dès le gâteau terminé. 

Un jour, j'ai proposé un article à l'un des deux quotidiens locaux - le Sénonais libéré. Mon premier article publié ! Et le dernier, aussi, vu la houle de commentaires qu'il avait soulevée. Qu'est-ce que je disais dans cet article ? Que l'époque qui exigeait que les enfants soient parqués dans des crèches pour que leurs mères puissent consacrer 8 heures par jour à travailler loin de chez elles, et que la même époque qui menait les vieux dans des ''maisons'' sitôt qu'ils cessaient d'être utiles, était tout bonnement folle. J'en appelais aux temps de ''la civilisation lente'', où les vieux restaient à la maison, en famille, chargés de tâches à leur mesure - notamment d'enseigner aux enfants ce que ceux-ci n'apprendraient pas dans les livres. En gros, je clamais que nous nous étions fourvoyés dans une application erronée de la modernité, et cela me valut un échange surréaliste avec le responsable de la publication. Des familles s'étaient plaintes, on me faisait savoir que si les vieux étaient là c'est qu'on ne pouvait pas faire autrement, etc.

J'avais 19 ans, et je n'ai pas tellement changé d'opinion sur ce sujet. C'est pourquoi j'applaudis à chaque fois qu'une jeune mère décide d'interrompre sa carrière pour s'occuper elle-même de ses enfants quand ils sont tout petits, et c'est pourquoi je persiste à regretter que nos 3 pièces en ville et nos pavillons péniblement acquis à crédit ne puissent plus offrir  une chambre aux aieux. Tout seuls chez eux ou dans les refuges prévus pour eux, ils passent leurs jours tour à tour à s'ennuyer et à espérer, à espérer et à s'ennuyer.

Pourquoi cela me revient-il ? à cause d'un film de Pierre Tchernia que j'ai regardé hier avec Joséphine, Les Gaspards. Une équipe de comédiens incroyables (Depardieu, Serrault, Galabru, Charles Denner...), un scénario sigmé Goscinny, et les images du Paris de 1973 sillonné de chantiers de construction,  hérissé de grues et tressautant au rythme du marteau-piqueur. Je ne me souvenais plus de cela, le film me l'a rappelé. J'apprends que Pierre Tchernia, âgé de 85 ans, contraint au fauteuil roulant à cause d'une hanche capricieuse, vit désormais dans l'isolement le plus complet dans une maison spécialisée de la banlieue ouest.

Rien ne fera oublier la détresse de mon grand-père, suppliant de ne pas l'enfermer ainsi, menaçant de fuguer à la première occasion si on l'y obligeait... et disparu quelques semaines seulement après son arrivée dans la maison de retraite où nous lui avions promis qu'il vivrait sereinement le reste de son âge. Au moins, il n'aura pas eu le temps de passer des dimanches tout seul à la fenêtre de sa chambre.

Je n'ai pas changé d'avis. Les vieilles personnes ne devraient pas vivre seules, elles ne sont pas plus conçues pour cela que nous autres - nous ne résisterions pas longtemps à la désolation qui est leur lot quotidien.

 

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Commentaires
M
lA VIEILLESSE EST UN NAUFRAGE disait le général de Gaulle.<br /> <br /> Avec mon atelier chansons nous allons ds les maisons de retraite et beaucoup ici font des animations adaptées à la motricité des membres des résidents - aussi scrabble, atelier de lecture ,sorties et aussi visites des petitous des écoles - mais c'est surtout leur famille qui leur manque surtout les mamies...et je suis grand'mamie aussi<br /> <br /> J'ai ri en imaginant joséphine et son "soupirant" face à face et lors de sa visite vous devrez être attentifs à sa déclaration - quel beau scénario... <br /> <br /> BON DIMANCHE -----
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